ÉDITORIAL
par Zoltán Somhegyi
Nous pouvons être tentés de simplifier l’ambiguïté entre l’engagement et la contemplation en nous demandant si nous allons agir ou observer.
Le dilemme est obsédant : devons-nous systématiquement intervenir et tenter de modifier le cours des événements ? Devons-nous tenter, à différents niveaux, d’agir au moins à travers des interventions mineures dans des situations existantes, ou de faire d’énormes efforts pour espérer avoir un impact significatif sur des questions cruciales ? Sommes-nous toujours pleinement conscients du fait que cela peut comporter des risques ? Risquons-nous d’agir “trop vite”, sans consacrer suffisamment de temps à la réflexion -avant ou pendant l’action – comme une un critère d’évaluation critique de notre intervention ? Naturellement, sans une réflexion constante, les meilleures intentions peuvent empirer l’état des choses que nous souhaitions changer.
La réflexion préliminaire peut être une solution, mais elle comporte aussi ses propres risques. Le dilemme demeure : au lieu de s’engager, ne vaut-il pas mieux se contenter d’observer et de contempler ? Est-ce plus sûr et plus prudent ? Cela peut-il être interprété comme un raccourci euphémique, une excuse pour être plus confortable, paresseux ou même lâche ? Sommes-nous prêts à prendre le risque d’être engagés, ou nous cachons-nous derrière une contemplation noble (ou d’apparence noble) ?
Le quatrième numéro de HAS Magazine se penche à nouveau sur deux concepts apparemment opposés. Cependant, tout comme dans les sujets précédents (N° 1 : “Big Data et singularités”, N° 2 : “Entre anxiété et espoir” et N° 3 : “Vérité et croyance”), les deux concepts soigneusement choisis ne s’opposent pas simplement, mais se complètent. Compte tenu de la fragilité de leur signification et des valeurs changeantes qui leur sont attribuées, nous avons à nouveau placé ces deux concepts au centre de nos recherches – non pas comme deux concepts entre lesquels il faut choisir, mais comme un cadre contenant des formes d’action possibles.
Par conséquent, il ne s’agit pas seulement de choisir entre “l’un ou l’autre”, mais aussi de considérer les “et” et les “aussi bien”. L’engagement ne peut fonctionner efficacement sans la contemplation. Et ils ne fonctionnent pas simplement par ordre chronologique. Comme indiqué plus haut, la contemplation ne doit pas nécessairement et/ou toujours précéder l’action, mais accompagner continuellement l’engagement. Si nous essayons souvent de “penser à l’avance”, il arrive aussi qu’une première action “instinctive” soit ensuite contrôlée et corrigée par la contemplation des résultats ou par une réflexion sur l’effet produit.
Comme nous l’avons écrit dans l’appel à contribution de ce numéro : “La contemplation est une posture d’observation attentive de l’existence. Il s’agit d’une approche basée sur l’observation et l’attention portées à l’altérité, aux identités et à leurs contradictions…. Elle inclut réflexion et care.” En ce sens, la contemplation peut être une fin en soi, et peut conduire à des prises de conscience importantes. Cependant, beaucoup d’entre nous ont déjà expérimenté le fait que la contemplation ne peut pas fonctionner efficacement sans l’engagement. De ce point de vue, la contemplation peut rester inefficace sans action. Par conséquent, la contemplation peut non seulement conduire à l’engagement, mais aussi le constituer.
La question reste donc posée : la contemplation ne peut-elle pas être, parfois, une forme d’engagement plus efficace et plus subtile ?
Les analyses théoriques, les études de cas, les rapports de projets et les œuvres d’art présentés dans ce quatrième numéro de HAS Magazine ont été sélectionnés pour mettre en lumière cette “collaboration” entre engagement et contemplation, qui s’influencent mutuellement et élargissent leurs potentialités.
Historien de l’art et docteur en esthétique, Zoltán Somhegyi est rédacteur en chef de HAS Magazine et professeur associé d’histoire de l’art à l’université Károli Gáspár de l’Église réformée en Hongrie.
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