« Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien » dit Cynthia Fleury¹.

Depuis toujours je vis auprès de personnes dites « vulnérables ».
Enfant, je vivais avec mes parents au sein d’un établissement spécialisé qui accueillait des personnes en situation de handicap. Très tôt je me suis posée des questions sur ce qui me différenciait de ces personnes qui m’entouraient et sans le théoriser je percevais que rien ni personne n’était dépourvu de cette vulnérabilité, qu’elle était inhérente au vivant.

J’ai initialement obtenu un diplôme d’éducatrice spécialisée avant de m’orienter vers une formation artistique. Puis j’ai choisi de conjuguer mon travail plastique et l’accompagnement de personnes en situation de handicap ou de maladie mentale. Ces pratiques se construisent dans un processus consubstantiel.

Mes recherches plastiques interrogent la perception, la considération de l’altérité, de la vulnérabilité et de la fragilité dans nos sociétés. J’y traite par essence du vivant, d’humanité, de corporalité, de sollicitude, de soin, et d’éthique. C’est pour moi une nécessité prégnante d’expérimenter, de matérialiser pour discerner, traduire ce que j’observe des relations interhumaines.

Ma démarche vise à rendre compte, à susciter des échanges, à construire des mises en perspectives qui viennent interroger des fonctionnements sociaux. Elle s’articule à un travail au sein de structures médico-sociales où je développe des ateliers de pratiques artistiques.

Ces dispositifs se distinguent des activités à visées occupationnelles et/ou thérapeutiques fréquemment rencontrées dans ce secteur. Il ne s’agit pas de transmission de « savoir », d’interventions qui prendraient pour support un thème ou proposeraient d’explorer tel ou tel médium.

J’invite les artistes de l’atelier à poursuivre ou à développer une pratique artistique personnelle, singulière, au long court. Je les engage à explorer, à expérimenter leurs propres territoires. Il s’agit d’adopter un paradigme des possibles et de ne pas lire la personne accompagnée à l’unique lumière de sa vulnérabilité. De la reconnaître comme capable, de susciter, d’encourager et de soutenir un sentiment « capacitaire ».

« La confiance que je mets dans ma puissance d’agir fait partie de cette puissance même. Croire que je peux, c’est déjà être capable »²

Ainsi se développe de nouvelles et innombrables formes d’expressions qui permettent la construction d’une identité ou le handicap n’est plus une entrave. Il s’agit également de repérer des opportunités, de présenter et de promouvoir les productions. D’oeuvrer à la reconnaissance des personnes en qualité d’artistes et de faisant contribuer à l’évolution du regard porté sur les personnes en situation de handicap.

Références

¹Cynthia Fleury, Le soin est un humanisme, Tracts Gallimard, mai 2019.

²Paul RIcoeur, Autonomie et vulnérabilité, Presses de l’Université Saint Louis, 1997, https://books.openedition.org/pusl.