Au cours des vingt dernières années, la popularité des réseaux sociaux a dépassé toute attente. Il existe désormais de multiples plateformes sociales offrant aux usagers une multiplicité d’espaces en ligne conçus pour s’exprimer, interagir, échanger, et réaliser toute sorte d’activités et de transactions à travers les outils de publication, réponse et commentaire. De ce fait, des méga-données sont générées à partir des textes, chiffres, photos et vidéos que nous nous échangeons en ligne, offrant ainsi aux entreprises de nombreuses occasions pour observer les usagers (Townsend et Wallace, 2016).
Ces données, délivrées sciemment et spontanément par l’usager, peuvent être recueillies par les entreprises dans le respect des termes et conditions acceptées par les usagers. Les idées et opinions partagées sur les réseaux sociaux sont considérés comme relevant du domaine public ; de ce fait, l’analyse de telles données ne nécessite aucun accord ou consentement préalables. Ceci a largement facilité la surveillance, l’observation et la compréhension, par les entreprises, des attitudes des usagers vis-à-vis de produits nouveaux, de tendances sociales ou d’avancées technologiques et ce savoir a constitué un net avantage dans le développement de prévisions de ventes précises et d’identification de tendances pouvant susciter l’adhésion des consommateurs.
La question de la valeur produite par les réseaux sociaux a jusque-là été principalement prise en charge par le milieu académique et les entreprises. L’accessibilité de ces données a été accueillie et célébrée par des chercheurs de domaines différents, amenant des publications portant sur des sujets divers (Yen et Dey, 2019). Mais malgré cet effort collectif pour créer du sens à partir des comportements des usagers, les contenus autres que textuels restent délaissés par les chercheurs dans le domaine des réseaux sociaux.
Par exemple, Cappellini et al. (2019) ont analysé les textes de plusieurs discussions sur Twitter qui employaient des hashtags, en expliquant comment ces hashtags étaient utilisés afin de marquer les différents groupes et positions autour d’une même polémique socio-politique. D’autres études ont examiné les commentaires et avis laissés sur des réseaux sociaux spécifiques à l’industrie du tourisme (comme TripAdvisor et Expedia) en se concentrant sur les caractéristiques linguistiques et sémantiques et les sentiments exprimés, afin d’en évaluer l’impact et les répercussions sur les réservations de nuits d’hôtel, ventes, revenus et la gestion de réputation dans le secteur touristique (Xie et al., 2016; Xie et al., 2017).
Le texte est évidemment très utile, mais une étude estime que 93 % de toute
signification réside dans l’expression non-verbale, suggérant ainsi que seul
7 % provient du contenu verbal ou textuel. Bien que ces chiffres aient été contestés dans une étude postérieure (Burgoon et al., 2016), d’autres études situent ce chiffre aux alentours de 66 %, et avancent que deux tiers des significations dans les interactions humaines proviennent d’indices non-verbaux. Dans tous les cas, nous constatons invariablement le poids significatif du champ non-verbal.
Manifestement, les mots ne suffisent pas à l’espèce humaine quand il s’agit d’exprimer leurs idées, idéologies, et aspirations de beauté et de perfection. Ce constat nous pousse à considérer les plateformes de réseaux sociaux moins analysées et comprises comme Instagram, Snapchat et Pinterest, où les vecteurs de sens sont avant tout les images, photos et vidéos.
Il est bien plus difficile d’interpréter des images que des textes, car le sens véhiculé par une même image peut varier très largement, ne serait-ce qu’en fonction des paramètres d’éclairage ou de colorimétrie. Voir les images pour deux versions d’une même photo. Un image est dominé par des couleurs chaudes, tandis que l’autre présente des teintes plus froides. Le contenu visuel est le même, mais le sens qui se dégage de chaque image est très différent. Les images font l’objet d’interprétations subjectives, ce qui explique pourquoi les objets, traits, lieux et décors représentés en photographie ne peuvent pas être analysés séparément mais doivent au contraire, être analysés de façon holistique. Ce critère d’interprétation holistique complique considérablement la tâche des développeurs qui tenteraient de créer des logiciels et Intelligences Artificielles pouvant correctement interpréter les sens contenus dans un image.
Malgré les difficultés actuelles liées à l’interprétation d’images, il ne faudrait pas pour autant que les acteurs du marketing négligent ces plateformes de réseaux basés sur le contenu visuel. Bien au contraire, car ces réseaux sociaux sont en train de gagner du terrain par rapport aux réseaux axés sur le texte, notamment parmi les jeunes générations.
Maître de conférence en marketing à l’Université Brunel de Londres. Elle adopte une approche du marketing et de l’image de marque centrée sur le consommateur, elle s’intéresse à la manière dont la culture affecte le comportement humain, dans les domaines B2B et B2C. Elle étudie l’acculturation en relation avec la consommation alimentaire et les pratiques des médias sociaux pendant les voyages, et examine les notions d’animosités en relation avec la consommation et le tourisme.
Maître de conférence en marketing à l’Université Brunel de Londres. Elle adopte une approche du marketing et de l’image de marque centrée sur le consommateur, elle s’intéresse à la manière dont la culture affecte le comportement humain, dans les domaines B2B et B2C. Elle étudie l’acculturation en relation avec la consommation alimentaire et les pratiques des médias sociaux pendant les voyages, et examine les notions d’animosités en relation avec la consommation et le tourisme.