L’on définit traditionnellement la vérité en termes de concepts ou propositions qui sont en rapport avec le monde qui nous entoure, mais la vérité entretient aussi un rapport avec les conventions sociales et les accords tacites que nous passons avec notre entourage.
Les croyances sont des projections de l’esprit.1 Et ce sont aussi des formes de conventions. Il est escompté qu’une personne agira en fonction de ses croyances comme si elles étaient vraies. Croire c’est donc accorder un crédit de vérité à une proposition que l’on estime vraie sans avoir cherché plus loin. Cela signifie qu’une croyance peut tout à fait être fausse, et ce même si une personne l’estime vraie. Alors qu’une proposition se doit forcément d’être vraie ou fausse, les croyances peuvent quant à elles porter sur des propositions aussi bien vraies que fausses.2
L’épistémologie étudie la nature du savoir et de nos méthodes de connaissances en se basant sur la rationalisation de la croyance et des questions d’éthique, de logique et de métaphysique. C’est à travers l’épistémologie que nous tentons de répondre à des questions comme « que savons-nous ? », « qu’est-ce qui donne un caractère de vérité à ce que je sais ? », « qu’est-ce qui fait qu’une croyance est justifiée ? » ou « comment peut-on savoir que ce que nous savons est justifié ? »
Pour qu’une croyance devienne une connaissance, il faut qu’elle soit justifiée. Si la connaissance est la croyance en une proposition vraie – une proposition qu’il est légitime de tenir pour vraie – c’est qu’elle émerge d’un processus d’apprentissage. Les conditions qui déterminent la légitimité d’une personne à croire que quelque chose est vrai, ne sont pas toujours alignées sur la relation cognitive entre l’information et des propositions vraies.
Ainsi, une croyance n’est vraie que si elle est cohérente avec les autres croyances de la personne.
L’Humanité, que ce soit à l’échelle individuelle ou collective, peine souvent à se positionner en dehors de ses systèmes de croyance. Les connaissances sociales ne peuvent pas être expliquées en examinant des individus isolés les uns des autres – nous devons analyser la portée de ces connaissances au regard des contextes sociaux globaux. Il est nécessaire d’explorer les façons dont certaines croyances peuvent être légitimées dans certains contextes sociaux où les individus se voient influencés par les positions des autres.
L’ignorance est un manque de connaissance et d’information vérifiée. Une personne ignorante est soit quelqu’un qui nie ou ignore délibérément des faits concrets, soit quelqu’un qui limite ses interactions aux seuls autres individus niant ou ignorant ces mêmes faits. L’ignorance peut être une ignorance factuelle caractérisée par un manque de connaissance, ou bien une ignorance d’objet, c’est-à-dire la méconnaissance d’une chose.
Les reportages biaisés de l’actualité présentent l’information sous un angle politique ou social déformé et font ainsi passer une information fausse pour un fait avéré. Si le reportage d’actualité est marqué par un désir de nous tromper ou de nous faire croire à quelque chose qui n’existe pas, il présuppose l’intervention du langage, une manipulation complexe et paradoxale qui sous-entend que le reportage ne peut exister sans la complicité partielle ou totale de son public, qui cesse alors d’être simple victime pour devenir agent actif participant à la supercherie.3
Cette époque a généré en nous le sentiment oppressant d’être constamment bombardés d’informations alarmantes, et son impact grandissant déstabilise notre bien-être.
Les guerres, le racisme et le fanatisme religieux, ainsi que l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique participent à une confusion généralisée entre objectivité et subjectivité.
En 2015, la plupart des organes de presse était déjà atteint d’une véritable crise de confiance. En octobre 2016, il semblait que les informations étaient davantage dans les mains du fondateur, éditeur et porte-parole de WikiLeaks, Julian Assange, que dans celles des grands organismes de presse.4 Ceux-ci avaient accepté l’idée que de toute façon, le public rechercherait toujours l’information dont il avait envie et qu’en conséquence, les choix des éditeurs ou producteurs étaient devenus insignifiants et que les informations fausses circuleraient autant que les vraies.
Les scientifiques emploient des approches théoriques et d’observation afin de développer une compréhension naturaliste du monde. Dans le développement des domaines scientifiques, il arrive que certains énoncés atteignent une certaine stabilité avant d’être soumis à l’expérimentation. Une fois qu’un énoncé atteint ce stade d’acceptation généralisée, il passe de simple proposition au statut de fait.5 Reste que cette transition repose sur une hypothèse ouverte et non pas sur une vérité qui doit être prise pour acquise.
En s’éveillant au danger du jeu du vrai et du faux, les gardiens aussi bien des médias que des sciences ont réalisé que leurs choix étaient déterminants pour la vie sociale, et que de mauvaises décisions de leur part pouvaient avoir un véritable impact sur la capacité des gens à mener des vies normales et à faire des choix importants en matière de santé et de sécurité, à propos de sujets comme l’histoire, la géographie, la politique mondiale ou encore par rapport à l’écosystème de la planète.
Le sentiment anti-médias est désormais présent sur l’ensemble du spectre politique et dans les sociétés du monde entier. La plupart des gens ne font pas confiance à l’information qui leur est présentée et ont comme sentiment que des vérités culturelles basiques sont remises en question. Les gens se sentent trahis et incompris autant par les institutions politiques que par les médias. Cette situation délicate est un terreau propice à la montée des populistes de tous bords qui l’utilisent à leur avantage.
Le scepticisme survient facilement chez les théoriciens du complot qui remplacent les réalités officielles par des réalités alternatives, en donnant voix à des visions biaisées. Il est tentant de jeter la faute sur internet qui offre une multiplicité de sources d’information et qui participe activement à nourrir l’incertitude globale.
Les infox faussent le débat et manipulent un public peu habitué à la pensée critique. Selon la formulation d’Elizabeth Colbert, « Il se peut que notre capacité de raisonnement tant vantée soit plus une affaire de gagner des débats que de formuler une pensée claire. »6
La réalité ou la vérité de chacun n’implique pas forcement de porter une seule identité ; de n’être qu’un, puisque le « Je suis » présente souvent plusieurs identités à la fois (pensons à Romain Gary qui écrivait dans des styles très différents sous différents pseudonymes dont celui d’Émile Ajar). La multiplicité des identités permet à chacun de fonctionner à travers un large panel de compétences, de manières de penser ou de s’exprimer.
Les artistes mettent en œuvre des capacités sensorielles afin de sentir et d’orienter leurs ressources vers de nouvelles découvertes, compositions ou harmonies, de nouvelles propositions et même de nouvelles esthétiques, tout en approfondissant la question éthique. Tout sujet, thème, objet ou idée imite la versatilité de l’humanité et ses connaissances générales en transmettant du sens représentatif, des connaissances ainsi que des significations intangibles.
Pour citer Robert Filliou, « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. » L’art est fait d’une infinité d’approches, toutes différentes et singulières, qui permettent de questionner, découvrir, percevoir, générer, raconter, résister, critiquer, proposer et agir. La responsabilité de l’art ne réside pas uniquement dans sa recherche esthétique ou intellectuelle mais aussi dans sa capacité à remettre en question, à critiquer et enfin à éveiller les consciences.
Les artistes abordent souvent la réalité depuis leur subjectivité. Notons l’exemple de FLUXUS qui traite, dans le domaine de l’expression concrète, des évènements liés à la vie quotidienne. Au sujet ce phénomène, Ben Vautier dit qu’il s’agit d’une « interprétation du Réel à travers la réalité », ce qui consiste à communiquer la conscience que chaque détail du réel est en soi une présentation.
Si l’artiste transforme la vie de façon passionnée en représentant et communiquant LA VIE à travers des attitudes simples, l’on peut déclarer que TOUT EST ART ET QUE L’ART EST VIE.7
Références
1William James and the Willfulness of Belief by Richard M. Gale, university of Pittsburgh, Philosophy and Phenomenological Research in Vol. 59, No. 1 (Mar., 1999), pp. 71-91.
2Anthony Kenny, “Knowledge, Belief, and Faith”, Philosophy, Cambridge Univ., in Vol. 82, No. 321 (July 2007), pp. 381-397.
3Actes du Colloque : L’imposture, La Tortue Verte, Université de Lille, http://www.latortueverte.com/1-ACTES%20IMPOSTURE.pdf
4https://www.nytimes.com/2020/10/25/business/media/hunter-biden-wall-street-journal-trump.html
5https://elifesciences.org/articles/21451 Publication bias and the canonization of false facts Silas Boye Nissen, Tali Magidson, Kevin Gross,Carl T Bergstrom – corresponding authors, 2016
6why-facts-dont-change-our-minds By Elizabeth Kolbert, February 19, 2017, https://www.newyorker.com/magazine/2017/02/27/why-facts-dont-change-our-minds
7Art and Life: A Metaphoric Relationship/by Richard Shiff/a Critical Inquiry/in Vol. 5, No. 1, Special Issue on Metaphor (published in Autumn, 1978), pp. 107-122, https://www.jstor.org/stable/1342980
Peintre et titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’université de New York. Elle a participé à des expositions individuelles et collectives internationales. Depuis 1984, elle a publié plusieurs essais et un livre, a initié des événements artistiques multidisciplinaires et des conférences aux États-Unis, en Europe, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, pour promouvoir les arts, comme outils de dialogue et de connaissance favorisant le dialogue des cultures. En 2003, elle a fondé Mémoire de l’Avenir. Elle a collaboré avec des institutions publiques et privées, notamment l’UNESCO, le CIPSH, le Musée du Quai Branly, le Centre George Pompidou, le Musée du Louvre, Dapper, le Musée d’Arts et d’Histoire de Judaïsme, l’Institut du Monde Arabe et le Musée de l’Homme.
Myriam Tirler est diplômée de l’école de photographie de Vevey en Suisse. Elle vit et travaille à Paris en poursuivant un travail photographique personnel tout en réalisant des commandes pour la presse, des institutions mais aussi en collaborant avec d’autres artistes, des architectes et des chorégraphes. Elle réalise des portraits mais s’intéresse aussi plus largement au rapport du corps du l’espace.
myriamtirler.com
Peintre et titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’université de New York. Elle a participé à des expositions individuelles et collectives internationales. Depuis 1984, elle a publié plusieurs essais et un livre, a initié des événements artistiques multidisciplinaires et des conférences aux États-Unis, en Europe, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, pour promouvoir les arts, comme outils de dialogue et de connaissance favorisant le dialogue des cultures. En 2003, elle a fondé Mémoire de l’Avenir. Elle a collaboré avec des institutions publiques et privées, notamment l’UNESCO, le CIPSH, le Musée du Quai Branly, le Centre George Pompidou, le Musée du Louvre, Dapper, le Musée d’Arts et d’Histoire de Judaïsme, l’Institut du Monde Arabe et le Musée de l’Homme.
Myriam Tirler est diplômée de l’école de photographie de Vevey en Suisse. Elle vit et travaille à Paris en poursuivant un travail photographique personnel tout en réalisant des commandes pour la presse, des institutions mais aussi en collaborant avec d’autres artistes, des architectes et des chorégraphes. Elle réalise des portraits mais s’intéresse aussi plus largement au rapport du corps du l’espace.
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