Néné
La consultation transculturelle de Bordeaux a un dispositif pluridisciplinaire et accueille des personnes migrantes dont la souffrance nécessite une écoute et un soin spécifiques, intégrant la langue maternelle, le trajet migratoire et la culture. Parmi elles, des exilés, quelque soit leur statut administratif, sollicitent fortement l’écoute et l’attention de l’équipe de soin. En effet, ces patients portent des souffrances multiples en lien avec les violences vécues dans leur pays et sur les chemins de l’exil et aussi avec les nombreux obstacles dressés par le pays d’accueil, la France.
Le lieu de parole que leur offre la consultation transculturelle se voudrait comme tout lieu de soin psychothérapeutique, libre d’expression, soumis aux seules lois de la machine psychique, à la règle de l’association libre des mots, des images et des idées et à la créativité des rêves. Or, souvent, la parole peine à surgir spontanément. Le travail de la pensée s’avère considérablement entravé, désorganisé, rogné, par toutes sortes d’épreuves qu’ils ont vaincues physiquement, mais que leur psyché et leur corps ont engrangées comme des blessures et des restrictions, que le temps amoindrira peut-être, mais que seule la rencontre bienveillante avec autrui pourra transformer. C’est là le sens du travail de l’équipe de soin transculturel.
Afi
L’empêchement de la pensée en conséquence des traumatismes subis est renforcé par le fait que leur être est jeté dans les marges étroites et froides de notre société. Le sentiment d’inutilité et de vide envahit leur pensée qui s’immobilise. Les conditions de vie pèsent lourdement sur leur psychisme meurtri et empiètent toute relation. Les expressions cliniques sont alors la conséquence des différents traumatismes qu’ils ont traversés, aggravés par un quotidien où l’attente abrase toutes les capacités de pouvoir se projeter et imaginer.
Notre choix thérapeutique est une approche variée et pluridisciplinaire alliant un accompagnement psychothérapeutique et des ateliers à médiation artistique : atelier-peinture, atelier-écriture, atelier-théâtre, atelier-danse, atelier-couture… Ils sollicitent l’expression, en dehors des mots, et ils mobilisent la pensée par le geste.
Friday
À l’instar du premier atelier, celui de la peinture, existant désormais depuis plus de 15 ans, chaque atelier est minutieusement pensé : dans la façon de le construire et de lui donner consistance, et dans l’observation de leurs effets sur nos patients.
Les médiations artistiques sont animées par des artistes ou des art-thérapeutes avec qui nous sommes en lien pour suivre l’évolution de chacun. Les productions sont destinées à être montrées, offertes à la contemplation. Le soin est d’éveiller la pensée, et plus précisément les capacités à créer et penser qui ont été endommagées chez eux. Ils permettent l’expression par le corps et la parole. Les ateliers participent à une rythmicité, un rétablissement du temps, qui est très distordu chez ces personnes exilées. Les gestes, de peindre, d’écrire, de dessiner, de danser… mobilisent une mémoire enfouie. Le bienfait de l’« art en soi » qu’impulse l’artiste animateur repose sur une technique dont les effets vont au delà des mots, c’est la mobilisation d’une force qui agit malgré soi, force incorporée en chacun, comme le souffle. La découverte de ce mécanisme est source d’étonnement et de joie, d’une perception de soi soudain profonde et habitée. Les retombées ne touchent pas seulement les patients, car toute l’équipe de soin est sollicitée par des questions et par des échanges nouveaux entre nous et avec eux.
Aouatef
Ici, c’est le travail de la plasticienne Valérie Champigny et de la vidéaste Célie Alix de Le dessous des balançoires avec des patients de l’atelier peinture de l’artiste Patricia Liska, qui est présenté. En pleine pandémie du COVID, Patricia a maintenu des activités ambulatoires, et, grâce à la mise en lien par l’association bordelaise MC2A, a rencontré Valérie Champigny.
Les cartes postales virtuelles réalisées par Célie et Valérie après la visite des patients au Musée d’Histoire Naturelle de Bordeaux en 2020, illustrent parfaitement comment l’encadrement et la co-production artistique, mettent en valeur la présence des patients. Chacun a pu dire combien il-elle avait été enthousiasmé(e) par cette expérience, à un moment où la solitude menaçait plus que jamais.
Charles
Claire Mestre est psychiatre-psychothérapeute, anthropologue, auteure. Formée à la psychothérapie d’inspiration analytique, elle a créé une consultation transculturelle au CHU de Bordeaux en 1994 et fondé l’association Mana. Elle est co rédactrice en chef de la revue L’autre, Cliniques, cultures et sociétés et membre du collège de la revue Spirale.
Claire Mestre est psychiatre-psychothérapeute, anthropologue, auteure. Formée à la psychothérapie d’inspiration analytique, elle a créé une consultation transculturelle au CHU de Bordeaux en 1994 et fondé l’association Mana. Elle est co rédactrice en chef de la revue L’autre, Cliniques, cultures et sociétés et membre du collège de la revue Spirale.