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Yolaine de la Bigne : « Nous sommes des animaux comme les autres ».
Florence Valabregue
Ecrivaine
Yolaine de la Bigne souligne l'importance de la prise en compte l'intelligence animale dans le processus d’analyse des questions globales, comme la biodiversité et le changement climatique.
© Abdias Ngateu – La chaise – Acrylique sur toile – 2019

En dialogue avec les œuvres

de Abdias Ngateu

« Stratégies pour se défendre, camouflage pour passer incognito, empathie et partenariats même entre espèces différentes parce qu’ensemble on est toujours plus forts, acclimatation et souplesse pour se plier aux impératifs du jour, communications multiples pour échanger sans que les autres soient forcément au courant….

Les preuves des intelligences animales sont impressionnantes. Dès qu’il y a du vivant, il y a de l’intelligence, disait le célèbre naturaliste et paléontologue anglais du 19ème siècle Charles Darwin.  Ses intuitions géniales sont aujourd’hui confirmées par les progrès de la biologie et des technologies modernes. Mieux : nous comprenons le rôle primordial de chaque animal dans cet ensemble foisonnant qu’est la nature.

Par leur pragmatisme, leur façon de s’adapter et leur manière de contribuer à l’ensemble du monde, le animaux nous sont indispensables. Ils nous aident à mieux comprendre le fonctionnement complexe de la biodiversité et à lutter contre le dérèglement climatique. Et leur intelligence nous rappelle une vérité que nous avions oubliée : nous sommes des animaux comme les autres ».

Yolaine de la Bigne

© Abdias Ngateu – La négociation – Acrylique sur toile – 2019

Certains d’entre nous se souviennent encore de la voix de Yolaine de la Bigne qui venait ponctuer notre quotidien avec sa chronique sur les tendances : « Quelle époque épique ! » sur les ondes de France Info. Devenue écolo de la première heure avec la création du média Néoplanète, elle se consacre aujourd’hui à faire connaître les extraordinaires facettes de l’intelligence animale. Son action se déploie au cours d’universités d’été et de conférences ainsi que dans la publication d’ouvrages. Son dernier livre, Mon année zéro souffrance animale, édité chez Leduc, dresse un panorama des souffrances animales et des actions concrètes que l’on peut mener au niveau individuel et collectif pour « un grand mouvement de réconciliation avec le peuple animal ».

La genèse de la création de l’association l’Animal & l’homme

Après avoir arrêté sa rubrique sur France Info, Yolaine de la Bigne se lance dans une cause qui lui tient à cœur : l’écologie. Avec Néoplanète, premier gratuit écolo et sa rubrique radio -« Quelle époque éthique »- qu’elle anime pendant 12 ans, elle espère avoir contribué à éveiller les consciences sur l’environnement.

C’est au cours d’une interview pendant laquelle elle affirme que les animaux vont disparaître que son interlocuteur lui parle de la sixième extinction et lui fait comprendre la probable disparition de l’homme et la grande adaptabilité et l’intelligence du monde animal. Elle décide alors de créer L’Animal et l’Homme pour continuer à défendre l’écologie d’une autre manière.

La dernière utopie ?

Yolaine de la Bigne découvre un domaine de recherche et de réflexion exaltant. Les animaux ont su conserver le pragmatisme et le bon sens de nos grands-mères. Ils ont gardé leur capacité d’observation, de solidarité et leur cohésion familiale qui leur permet de survivre plus facilement dans un environnement potentiellement hostile. Armés d’une sagesse écologique que l’humanité a oubliée, ils nous enseignent à « bouleverser notre regard sur notre rapport au monde et sur nous-mêmes, puisqu’il y a de l’intelligence dans tout ce qui est vivant (…) Par intelligence, il faut entendre la cognition, l’empathie, les relations sociales, la solidarité, l’adaptabilité etc ».

Son association, créée en 2016, souhaite faire connaître et rendre facile à comprendre « cette passionnante révolution qui entraîne de profonds bouleversements écologiques, scientifiques mais aussi philosophiques en nous faisant découvrir les incroyables talents des animaux qui nous entourent, les chiens et chats bien sûr mais aussi les vers de terre, les éléphants ou les poissons… ».

Pour que nous prenions conscience du génocide animal et de notre incapacité, en tant qu’êtres humains, à survivre sans eux, elle agit sur plusieurs fronts.

© Abdias Ngateu – La négociation des oiseaux – Acrylique sur toile – 2017

Des rencontres, des publications

C’est d’abord pour faire entendre des personnalités exceptionnelles peu ou pas entendues dans les médias qu’elle créé son association. La première Université d’été de l’animal au château de la Bourbansais en Bretagne, se déroule en 2016 pour devenir un rendez-vous annuel. Elle réunit des scientifiques, historiens, philosophes…pour débattre des grandes découvertes si excitantes qu’elles changent notre regard sur la vie, l’avenir et la politique. Ces conférences donnent systématiquement lieu à la publication d’un ouvrage collectif avec les textes des intervenants. Elles sont volontairement athématiques de façon à réunir des acteurs passionnés par des sujets différents et d’attirer le plus grand public possible.

En 2018, elle lance la Journée mondiale des intelligences animales à Thoiry et depuis, chaque année, à la Cité des Sciences et de l’industrie à la Villette à Paris. En 2019, Yolaine de la Bigne publie Les 12 sagesses des animaux (Editions Leduc) où ces sagesses sont une source d’inspiration pour l’homme. Ces différentes actions permettent de communiquer et d’apprendre tant notre méconnaissance des animaux est grande. Chaque groupe a sa façon de vivre, de communiquer, d’élaborer des stratégies…Nous avons tendance à croire que les dauphins sont intelligents mais certains le sont, d’autres pas !

Vers plus de tolérance

© Abdias Ngateu – Se ballader dans la ville – Acrylique sur toile – 2021

« De par notre éducation, notre culture, certains animaux comme les pigeons, les araignées, les rats ou les moustiques… sont mal aimés. Or, lorsque l’on commence à les étudier, on prend conscience que ce sont des animaux incroyables. Et on découvre un univers magique de stratégies et d’innovations. La bêtise n’existe pas ».

Yolaine de la Bigne a invité, lors d’une université d’été, la biologiste et arachnologue Christine Rollard, spécialiste au Muséum d’histoire naturelle. Alors que la plupart des participants étaient réticents, ils ont été passionnés par la conférence et ont accepté de participer à un atelier que l’arachnologue a organisé juste après. Dans les dix minutes qui ont suivi, les participants s’émerveillaient, à quatre pattes, en regardant une petite araignée. Il a suffi de leur faire rencontrer une spécialiste passionnée et passionnante pour leur faire aimer cet animal. La connaissance de l’autre – animal ou homme – amène à plus de tolérance et fait comprendre que tout le monde a sa place sur terre et que l’on doit tous se respecter. Par exemple, le moustique – particulièrement mal aimé – est pollinisateur et nourrit les chauves-souris…

La dernière université d’été

© Abdias Ngateu – Taxi climatisé – Acrylique sur toile – 2021

L’édition 2021 était sous le marrainage de Jane Goodall. Comme à chaque rencontre la diversité des intervenants, qui ont participé à la sixième université, a donné lieu à des rencontres foisonnantes, diversifiées et inattendues.

Cette année a réuni des intervenants incroyables comme le biologiste Benoit Grison qui a parlé de zoopharmacognosie (étude de la pharmacopée animale) et des animaux médecins. Avec de nombreux exemples, il a montré que les animaux savent soigner :

  • Les papillons monarques pondent leurs œufs sur certaines plantes, choisies car elles contiennent un poison toxique (des cardélonides). Les chenilles monarques se sont adaptées et sont devenues insensibles à ce poison. Elles deviennent non seulement immangeables pour les prédateurs mais se protègent également d’un parasite interne.
  • En Afrique, les éléphantes consomment des herbes qui leur permettent d’accoucher plus rapidement.
  • Pour offrir un environnement sain à leurs petits, les mésanges charbonnières, qui ont un odorat très développé, tapissent leurs nids de lavande, de menthe ou d’immortelle dont les propriétés sont anti fongiques et bactéricides.
  • Quant aux fourmis « Atta » qui vivent en Amérique du Sud et du centre, elles cultivent et récoltent des lépiotes (champignons) qu’elles savent protéger avec un fongicide et un antibiotique1.

On en vient à se demander si la médecine actuelle ne découle pas de l’observation des animaux…

La philosophe Joëlle Zask est également intervenue sur le sujet de son dernier livre : Zoocities, des animaux sauvages dans la ville (Éditions Premier parallèle, 2020).  Elle part du constat que, pour des raisons liées à l’urbanisation et au dérèglement climatique, les animaux sauvages s’installent de plus en plus dans les villes. « Des renards dans les jardins de Londres, des sangliers dans les rues de Marseille, des léopards dans les artères étroites de Bombay, des coyotes dans les parkings de New York, des kangourous dans les rues de Canberra : repoussés par une campagne chaque jour plus hostile – polluée, rognée par l’urbanisation ou déréglée par le changement climatique – les animaux sauvages s’installent dans les villes. Ils s’y adaptent. Ce phénomène s’accentue. Et si, demain, nous devions les côtoyer au quotidien ? »
Et se demande comment penser la ville non pas contre le sauvage mais avec, en intégrer les bons côtés au sein de notre existence urbaine et coexister sans risques les uns avec les autres. Son livre fait un état des lieux des initiatives urbaines existantes et des projets architecturaux dans le monde. « À quoi ressemblerait une ville dans laquelle les distances et les espaces rendraient possible la coexistence avec les bêtes sauvages ? Une ville qui ne serait plus pensée contre les animaux, ni d’ailleurs pour eux, mais avec eux ? » La ville deviendra elle une nouvelle arche de Noé ?

© Abdias Ngateu – Sans titre – Acrylique sur toile – 2017

Mon année zéro souffrance animale

Le dernier livre de Yolaine de la Bigne, Mon année zéro souffrance animale (Éditions Leduc, 2021) est un véritable guide pour agir au quotidien. Ce livre est non seulement un état des lieux en 12 thèmes des différentes souffrances subies par les animaux dans le monde pour diverses raisons comme le travail, la pêche, l’habitat, le jeu, la propreté, la captivité, l’abandon, la chasse, notre égo…mais aussi un panorama de solutions à chacune de ces souffrances, des actions individuelles ou collectives et les progrès qui ont déjà été faits (rubrique : Ça bouge !).

Yolaine de la Bigne pense que le combat pour la défense des animaux est très proche du combat pour les femmes et contre le racisme.

Prochaine journée mondiale des intelligences animales en préparation

Yolaine de la Bigne prépare la prochaine Journée mondiale des intelligences animales qui se déroulera à l’auditorium de la Villette le samedi 5 février 2022. Elle pense y faire intervenir Michèle Bourton, fondatrice de la pédagogie Candide qui consiste à lier l’apprentissage à la présence de chats au sein des salles de classe. Elle-même maltraitée par sa mère qui la faisait dormir à la cave, a été sauvée grâce à la présence de chats qui venaient lui prodiguer chaleur et ronronnements. La ronron thérapie donne des résultats étonnants sur le comportement et les résultats scolaires. Après avoir fondé une école Candide pour les enfants en difficulté en France, Michel Bourton a fermé l’école pour aller en ouvrir une en Afrique avec les animaux sauvages et domestiques.

Références

1 https://wp.unil.ch/allezsavoir/les-fourmis-utilisent-des-medicaments-encore-inconnus-des-humains-vont-elles-nous-aider/

A PROPOS DES OEUVRES D’ABDIAS NGATEU

A travers ses œuvres, Abdias Ngateu interroge, par le prisme de la figure animale, la place que s’accordent les êtres humains au centre de l’existence. Ces scènes sont principalement urbaines car, pour l’artiste, la ville est à la fois le lieu où l’être humain se détache de la nature et le lieu où s’organisent des relations sociales variées. Les profils hybrides présentés dans ses peintures proposent une série de questionnement sur la notion d’altérité. Aujourd’hui, le climat anxiogène favorise la peur de nos semblables et affecte l’équilibre de nos interrelations. Dans les jungles urbaines où nous vivons, pourrions-nous nous inspirer des animaux et de leurs rythmes afin de retrouver une harmonie?

Florence Valabregue (Master d’art du spectacle et CELSA / Sorbonne), communique pour de nombreux théâtres, dont le tristement célèbre Bataclan, avant d’écrire pour l’hebdomadaire francophone L’Express de Toronto au Canada, Signatures Singulières, Maison magazine, Maison Française et Médiapart. Elle a dirigé la communication de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et les événements culturels des bibliothèques parisiennes avant de gérer un projet du Fonds social européen pour France Terre d’Asile. Elle créé l’agence de communication et de conseil médias Les Mots pour vous dire pour répondre aux problématiques des petites et moyennes entreprises spécialisées dans l’artisanat d’art, le luxe, la décoration et l’architecture d’intérieur.

Abdias NGATEU est diplômé en sociologie de l’université de Douala au Cameroun. Il a participé à de nombreuses expositions sur le continent africain : au Cameroun, au Sénégal, au Burkina Faso … Et notamment en 2015 à La Nuit Blanche de l’institut Français de Douala au Cameroun, ainsi qu’à Dak’art off en 2018. En 2017 Abdias Ngateu a remporté le 3ème prix Pascale Marthine Tayou au concours jeunes espoirs.

Yolaine de la Bigne est journaliste de presse écrite et radio et auteure, elle est une écolo engagée. Elle crée la Fêt Nat’ en 2006, une fête de la nature à Paris avec défilés de mode et animations (Femme en Or Environnement 2007). Puis le premier gratuit sur l’environnement, Néoplanète et la première web-radio 24h/24 pour défendre une écologie positive et joyeuse. Dès 2016, elle se concentre sur la 6ème extinction et les intelligences animales qui bouleversent notre vision du monde avec deux évènements annuels : l’Université d’été de l’animal et la Journée mondiale des intelligences animales, dont les conférences sont réunies dans une série de livres annuels. En 2019, elle signe chez Leduc Les 12 sagesses des animaux puis en 2021 Mon année 0 souffrance animale.

www.lanimaletlhomme.com et Chaîne YouTube : Les intelligences animales

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04
Engagement et contemplation
JANVIER 2022
Auteur

Florence Valabregue (Master d’art du spectacle et CELSA / Sorbonne), communique pour de nombreux théâtres, dont le tristement célèbre Bataclan, avant d’écrire pour l’hebdomadaire francophone L’Express de Toronto au Canada, Signatures Singulières, Maison magazine, Maison Française et Médiapart. Elle a dirigé la communication de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et les événements culturels des bibliothèques parisiennes avant de gérer un projet du Fonds social européen pour France Terre d’Asile. Elle créé l’agence de communication et de conseil médias Les Mots pour vous dire pour répondre aux problématiques des petites et moyennes entreprises spécialisées dans l’artisanat d’art, le luxe, la décoration et l’architecture d’intérieur.

Abdias NGATEU est diplômé en sociologie de l’université de Douala au Cameroun. Il a participé à de nombreuses expositions sur le continent africain : au Cameroun, au Sénégal, au Burkina Faso … Et notamment en 2015 à La Nuit Blanche de l’institut Français de Douala au Cameroun, ainsi qu’à Dak’art off en 2018. En 2017 Abdias Ngateu a remporté le 3ème prix Pascale Marthine Tayou au concours jeunes espoirs.

Yolaine de la Bigne est journaliste de presse écrite et radio et auteure, elle est une écolo engagée. Elle crée la Fêt Nat’ en 2006, une fête de la nature à Paris avec défilés de mode et animations (Femme en Or Environnement 2007). Puis le premier gratuit sur l’environnement, Néoplanète et la première web-radio 24h/24 pour défendre une écologie positive et joyeuse. Dès 2016, elle se concentre sur la 6ème extinction et les intelligences animales qui bouleversent notre vision du monde avec deux évènements annuels : l’Université d’été de l’animal et la Journée mondiale des intelligences animales, dont les conférences sont réunies dans une série de livres annuels. En 2019, elle signe chez Leduc Les 12 sagesses des animaux puis en 2021 Mon année 0 souffrance animale.

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